2018/12/15

Rendez-nous l' ISF!

Voilà l'un des derniers slogans des "gilets jaunes". Pitoyable. 
D'un autre côté, le  myopisme des commentateurs de la suppression de l' ISF est tout aussi consternant. Les méfaits cumulés de l' ISF ont été considérables. L' ISF a miné inexorablement l'économie française depuis 1981. Comment espérer, en 2018, que les  bienfaits de la suppression puissent  se faire sentir à court terme, dès le mois de Décembre  ?

 Lentement mais sûrement, les riches qui en avaient les moyens sont partis sous des cieux moins spoliateurs. En quittant la France, ils l'ont privée de la TVA qu'ils payaient sur leur train de vie élevé. Ils ont aussi laissé sur place des emplois d'aides-à-domicile, cuisiniers, personnels de maison, chauffeur... Ils ont cessé d'investir en France et fait profiter Suisse, Angleterre ou Californie  de leur train de vie et de leur esprit entrepreneurial. On peut montrer que le départ d'un "petit riche" (au  salaire mensuel de 10.000€)  coûte directement à la collectivité près de 50.000 euros par an.

Les PME industrielles, qui ne pouvaient déménager ont été progressivement asphyxiées, contraintes de verser des dividendes pour financer l' ISF de leurs actionnaires au lieu d'investir. Après impôt sur le revenu, CSG et ISF à 0.7%, l'entreprise doit verser 1.16%  de ses capitaux propres sous forme de dividendes pour couvrir impôt, CSG et ISF. Depuis 35ans , l' ISF a ainsi englouti 41% des capitaux propres des entreprises. 

Moins d'investissement, donc moins de croissance, donc moins d'emplois. In fine, l'hécatombe est impressionnante, la France est désindustrialisée  et le chômage a augmenté en conséquence. Les fameuses ETI qui font la fortune des allemands sont étouffées dans l' oeuf , par l' ISF en particulier.

Pire : la confiance a disparu et de jeunes entrepreneurs français sont partis créer en Californie ou au Royaume-Uni dans l'idée qu'à terme ils seraient spoliés par l' état. Pire encore : des entrepreneurs d'outre-Atlantique qui auraient pu être tentés par un établissement en France ont choisi l' Allemagne, les Pays-Bas ou  le Royaume-Uni pour s'installer en Europe. Les deux manque-à-gagner qui viennent d'être cités ne seront certes jamais comptabilisés, puisqu'il s'agit de manque-à-gagner. Ils peuvent être au mieux évalués au cas par cas à partir des départs de France ou encore des investissements pour lesquels une implantation en France avait été envisagée. 
Economiquement et financièrement, il conviendrait de les estimer pour les rajouter aux coûts plus facilement mesurables des départs des exilés fiscaux.

Les entreprises rentables  n'ont pas de problème de financement. L'argent ne manque pas dans le monde : il n'y en a jamais eu autant. Les investissements rentables sont moins courants et, de ce fait, faute de mieux, il y a 2300 milliards d'euros investis dans la dette française qui rapporte moins de 0.5% sur 10 ans, ce petit "0.5%" étant de plus soumis à un gigantesque risque de taux. 


  Les détenteurs de capitaux n'ont qu'une idée, bien compréhensible d'ailleurs : faire des placements rentables.  L'équipe Macron  a fait une grosse erreur de communication  en tentant de justifier la suppression de l' ISF par une compensation sur le financement des entreprises. Le problème de tout un chacun ne se situe pas au niveau du financement, mais au niveau de la rentabilité. Celle-ci est très faible et l' ISF constituait un handicap supplémentaire.

 Le peuple de gauche fantasme en permanence sur une hyper-rentabilité des entreprises; la réalité est hélas très différente. 
Les entreprises ont une rentabilité moyenne qui se mesure en dizièmes de pourcent. Pour preuve, regardez le CAC40, qui se traîne aux alentours de 5000 depuis dix ans. Seule la progression de quelques entreprises "vedettes" , comme  LVMH et  l' Oréal ont empêcher l'indice de plonger dans le vide. Regardez les fleurons de l'industrie qui sont au bord du gouffre. Regardez PSA qui avait il y a peu de temps encore plus de dettes que d'actifs; et Renault qui n' a pas bougé depuis 5 ans; et EDF qui... Alors que sur la même période de temps, le DAX a doublé et Volkswagen est devenu le premier constructeur mondial. Regardez Carrefour qui a perdu 50% de sa valeur depuis 10 ans, Air France 30%, la SNCF qui croule sous les dettes... Il n'y a guère que les secrétaires généraux de FO ou de la CGT qui, éblouis par leur propre train de vie, s'imaginent que l'herbe est plus verte encore dans le vrai privé. 
Dans le vrai privé, la concurrence est impitoyable, les prix sont tirés à la baisse et les rentabilités sont faibles, trop faibles pour rémunérer les risques courus par les apporteurs de capitaux qui préfèrent placer à 0,5% ou s'exiler quand ils en ont les moyens. Alors, de grâce, n'ajoutez pas un handicap supplémentaire.

Les entreprises n'ont pas de problème de financement; elles n'ont que des problèmes de rentabilité. Ce n'est hélas pas le retour de l' ISF qui arrangera cet état de fait. Alors, ne nous rendez pas l' ISF: cela ne permettra pas d'assouvir la jalousie des gilets jaunes, des bonnets rouges et des black blocs; mais cela permettra peut-être de ralentir les départs.

2018/11/28

De la gouvernance chez Renault 

Bien que me situant politiquement et  économiquement au centre droit, bien que partisan de la libre entreprise et de la liberté dans l'entreprise, bien qu'avocat de la séparation entre public et privé, j'étais régulièrement choqué d'apprendre tous les ans que la rémunération du PDG de Renault dépassait les 15 millions d'euros. Un tel montant me semble socialement inacceptable et économiquement injustifiable.
Mais, me demandais-je,  que fait le conseil d' administration (CA dans la suite) ? Comment le CA peut-il tolérer un tel niveau de rémunération dont je pense qu'il constitue un coin entre les salariés et le management ?

Après avoir été informé de l'arrestation de Carlos Ghosn le Lundi 19 Novembre, je me suis précipité pour voir la composition du Conseil d' Administration de Renault , et la nature précise de ses attributions dans cette entreprise.

Certes les textes définissent les rôles du CA. Mais les bonnes pratiques financières enseignées dans nos écoles et pratiquées dans les meilleures entreprises assignent au CA des tâches et responsabilités qui vont bien au-delà de ce que prévoient les textes. 

Comment contrôler les dirigeants et faire en sorte qu'ils ne pillent pas l'entreprise au détriment immédiat des actionnaires, et au détriment des salariés ? Telle  est la mission première du CA d'une entreprise dont les membres doivent s'assurer que les intérêts des dirigeants et ceux des actionnaires sont bien convergents. Un bon moyen d'assurer une telle convergence est de faire en sorte qu'actionnaires, dirigeants et membres du CA possèdent des actions. Certes, ce n'est pas le seul, ce n'est pas suffisant; c'est en tous cas nécessaire.


 La possession d'actions par les dirigeants est l'une des justifications des stocks options. Sur ce registre, Renault semble irréprochable si on en juge par les (presque) 600.000 actions détenues par Carlos Ghosn.


Par contre, la bât blesse sérieusement au niveau des administrateurs. Martin Vial, par exemple, ne détiendrait aucune action Renault. Catherine Barba, comme la plupart des autres membres, ne détiendraient guère que 100 actions, soit de l'ordre 6000 euros (un montant qui devrait être comparé aux 60.000€ de jetons de présence versés annuellement aux administrateurs). 

Les membres du CA ne croient-ils pas dans Renault ? Si eux, qui sont informés avant tout le monde de la stratégie du groupe - l'un de leurs rôles est précisément de la définir ou de contrôler sa cohérence-  ne croient pas dans le groupe qu'ils administrent, comment le petit actionnaire peut-il y croire ? Comment peut-on imaginer que les administrateurs supposés défendre les actionnaires se sentent une convergence d'intérêts avec ces derniers alors qu'eux mêmes, mieux informés, ne possèdent pas d'actions ?

Enfin, dans le cas précis de Renault, l'une des missions du CA , explicitement précisée sur le site internet de Renault, est de  se réunir une fois par an, hors la présence du Président-Directeur général, pour évaluer la performance de ce dernier et fixer sa rémunérationC'est donc le CA qui fixe  la rémunération (que je juge socialement inacceptable) de Carlos Ghosn. Mon appréciation de l'acceptabilité de ce salaire, de même que mon appréciation  du conflit d'intérêts entre les présidences simultanées de Renault et de Nissan diffère donc de celles des membres du CA de Renault.


On peut donc conclure que la gouvernance de Renault au plus haut niveau est complètement à revoir. Ce CA est très insuffisamment impliqué en terme d'actionnariat et, en fixant la rémunération du dirigeant au niveau précité contribue sans nul doute à insérer un ver dans le fruit social.




2018/02/08

L' ISF est mort. Vive l' IFI ?

De la flat Tax sur les fantasmes

Du charme des SCPI

Quelle rentabilité pour l'investissement immobilier locatif

2018/01/21

L' ISF est mort. Vive l' IFI ?

De l' ISF à l'IFI

Les vices de l' ISF, qui avaient sans doute échappé à J.Chirac comme à N.Sarkozy, n'ont pas échappé à E.Macron: l' ISF est mort. Mais pas complètement puisque l'une de ses assiettes est restée sur le billot. 
 L'imposition des actifs immobiliers demeure. 
On peut se demander pourquoi, si ce n'est pour faire plaisir à une partie de la population tellement soucieuse de réduction des inégalités qu'elle serait tentée d'utiliser  des méthodes vénézuéliennes : comment arriver de manière certaine et rapide à la ruine collective.  Dans ce riche pays, jouissant des plus importantes réserves mondiales d'hydrocarbures, les gouvernements Chavez et Maduro ont en effet réduit les inégalités : l'intégralité de la population est aujourd'hui uniformément dans le dénuement le plus complet. Dans notre doux pays, nous n'en sommes pas encore réduits à ce point, mais près de 10%  de la population peine à se loger. Ce n'est pas en diminuant la très faible rentabilité de l'immobilier locatif de 0.50% (au plus) des capitaux investis  que l'on contribuera à trouver une solution au problème du logement. 


L'évaluation  des immeubles soulève en effet de nombreuses questions et relève du fantasme collectif.

Commençons par l'évaluation.
Il existe de nombreuses méthodes d'évaluation des actifs. En matière immobilière, la communauté a retenu la pire d'entre elles, l'évaluation par comparaison. Les méthodes comparatives sont en effet à l'origine de toutes les bulles, qu'elles contribuent à renforcer chaque fois qu'elles sont utilisées puisqu'elles ajoutent une référence à un ensemble de références erronées, augmentant ainsi cette base d'une référence supplémentaire, ce qui contribue à renforcer son apparente  crédibilité et incite  au panurgisme des investisseurs. Les seules méthodes d'évaluation qui soient rationnelles sont celles basées sur des actualisations de flux financiers (pas de résultats, et encore moins de chiffres d'affaires), actualisées à des taux raisonnables et prenant en compte des primes de risque.

 Les hiérarques qui nous gouvernent   avaient sans doute aperçu perçu l'absurdité de l' ISF et la non-pertinence des méthodes d'évaluation utilisées; par leur déclarations de patrimoine ils avaient sans doute donné l'exemple; je laisse le lecteur juger si'l s'agit  du bon exemple ou du mauvais exemple.

A tout seigneur, tout honneur: nous  débuterons avec François Hollande. Sa SCI la Sapinière n' aurait pas figuré dans sa déclaration d' ISF alors que le capital était proche d'un million d'euros. Sa villa à Mougins, qu'il déclarait valoir 0.8M€ en vaudrait le double ou le triple  quand on la comparait aux transactions réalisées aux alentours. In fine, avec un capital affiché à 1.13M€, François Hollande reste sous la barre du seuil de l'impôt qu'il a infligé à quelques centaines de milliers de ménages.

Continuons par  Michel Sapin. Lui non plus ne peut être soupçonné de  sur-évaluer ses multiples propriétés. Si ses chiffres sont exacts, il possède les actifs  les moins valorisés de tout l'hexagone. L'une de ses propriétés  (433 hectares de terre, un chateau de 700 m² et  d' innombrables bâtiments) vaudrait moins de 600.000 euros...

Le président Macron, alors qu'il n'était que ministre,  avait lui aussi commis quelques erreurs qu'il s'était  empressé de corriger après les révélations du Canard Enchaîné.

L'évaluation est un art très difficile et les mieux éduqués (parmi lesquels ceux que je viens de citer) sont donc susceptibles d'évaluer avec les bonnes méthodes (actualisation de flux) et d'imposer par les textes les méthodes comparatives qui conduisent aux bulles.




Et maintenant, peut-on réellement parler de rente immobilière ? 

Les  dix premières années de ce siècle se sont révélées fastes en terme de plus-values latentes. Toutefois, entre 2010 et 2015, la bulle immobilière a un peu cessé d'enfler, avant de reprendre en 2017, sous le regard émerveillé (on se demande pourquoi) des journalistes. Ainsi, le magasine Challenges, en Novembre 2017, titrait triomphalement : le volume des achats explose ! Comme si cette explosion traduisait quelque chose de positif. Si le volume des achats explose, le volume des ventes qui lui est exactement égal explosait de même.

Le niveau des revenus est très loin de ce qu'on peut appeler une rente. Pire, quand on fait l'analyse complète de la rente, on peut constater qu'elle est proche de zéro, au moins pour les bailleurs qui ne sont pas des marchands de sommeil. Dans mon papier intitulé "L'immobilier locatif est-il rentable?", publié sur ce blog, je montre comment un bien acquis neuf en 2016 permet d'obtenir un rendement après ISF de l'ordre de 0.6% malgré des prévisions d'exploitation plutôt favorables ! 

Il est cependant un fait nouveau. Les assujetis à l' IFI peuvent maintenant arbitrer entre immobilier et autres types de placement, ce qui était impossible du temps de l' ISF. Les "riches" propriétaires peuvent maintenant soustraire de l'assiette de l' IFI pour investir sur d'autres supports et ainsi diminuer leur charge d' IFI. Jusqu'en 2017, la vente d'un actif immobilier se traduisait par du cash qui restait dans l'assiette ISF. 

Cette possibilité d'arbitrage diminue encore la rentabilité marginale des investissements immobiliers, au moins pour les assujettis à l' IFI. J'utilise le terme "encore" car cette rentabilité est extrêmement faible, quand on prend en compte toutes les dépenses du "riche propriétaire", à savoir charges non répercutables, taxes foncières, impôts sur le revenu, cotisations sociales et IFI.

En conclusion,  prenons garde à ce que l'assertion de Tocqueville : "il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté” ne se transpose pas chez nous au niveau économique.