2018/11/28

De la gouvernance chez Renault 

Bien que me situant politiquement et  économiquement au centre droit, bien que partisan de la libre entreprise et de la liberté dans l'entreprise, bien qu'avocat de la séparation entre public et privé, j'étais régulièrement choqué d'apprendre tous les ans que la rémunération du PDG de Renault dépassait les 15 millions d'euros. Un tel montant me semble socialement inacceptable et économiquement injustifiable.
Mais, me demandais-je,  que fait le conseil d' administration (CA dans la suite) ? Comment le CA peut-il tolérer un tel niveau de rémunération dont je pense qu'il constitue un coin entre les salariés et le management ?

Après avoir été informé de l'arrestation de Carlos Ghosn le Lundi 19 Novembre, je me suis précipité pour voir la composition du Conseil d' Administration de Renault , et la nature précise de ses attributions dans cette entreprise.

Certes les textes définissent les rôles du CA. Mais les bonnes pratiques financières enseignées dans nos écoles et pratiquées dans les meilleures entreprises assignent au CA des tâches et responsabilités qui vont bien au-delà de ce que prévoient les textes. 

Comment contrôler les dirigeants et faire en sorte qu'ils ne pillent pas l'entreprise au détriment immédiat des actionnaires, et au détriment des salariés ? Telle  est la mission première du CA d'une entreprise dont les membres doivent s'assurer que les intérêts des dirigeants et ceux des actionnaires sont bien convergents. Un bon moyen d'assurer une telle convergence est de faire en sorte qu'actionnaires, dirigeants et membres du CA possèdent des actions. Certes, ce n'est pas le seul, ce n'est pas suffisant; c'est en tous cas nécessaire.


 La possession d'actions par les dirigeants est l'une des justifications des stocks options. Sur ce registre, Renault semble irréprochable si on en juge par les (presque) 600.000 actions détenues par Carlos Ghosn.


Par contre, la bât blesse sérieusement au niveau des administrateurs. Martin Vial, par exemple, ne détiendrait aucune action Renault. Catherine Barba, comme la plupart des autres membres, ne détiendraient guère que 100 actions, soit de l'ordre 6000 euros (un montant qui devrait être comparé aux 60.000€ de jetons de présence versés annuellement aux administrateurs). 

Les membres du CA ne croient-ils pas dans Renault ? Si eux, qui sont informés avant tout le monde de la stratégie du groupe - l'un de leurs rôles est précisément de la définir ou de contrôler sa cohérence-  ne croient pas dans le groupe qu'ils administrent, comment le petit actionnaire peut-il y croire ? Comment peut-on imaginer que les administrateurs supposés défendre les actionnaires se sentent une convergence d'intérêts avec ces derniers alors qu'eux mêmes, mieux informés, ne possèdent pas d'actions ?

Enfin, dans le cas précis de Renault, l'une des missions du CA , explicitement précisée sur le site internet de Renault, est de  se réunir une fois par an, hors la présence du Président-Directeur général, pour évaluer la performance de ce dernier et fixer sa rémunérationC'est donc le CA qui fixe  la rémunération (que je juge socialement inacceptable) de Carlos Ghosn. Mon appréciation de l'acceptabilité de ce salaire, de même que mon appréciation  du conflit d'intérêts entre les présidences simultanées de Renault et de Nissan diffère donc de celles des membres du CA de Renault.


On peut donc conclure que la gouvernance de Renault au plus haut niveau est complètement à revoir. Ce CA est très insuffisamment impliqué en terme d'actionnariat et, en fixant la rémunération du dirigeant au niveau précité contribue sans nul doute à insérer un ver dans le fruit social.