2016/01/31

L' immobilier locatif est-il rentable ?

L' immobilier locatif est-il rentable ?

Le 20 Novembre 2015, Le Monde publiait un article sous la signature de Colette Sabarly, dans lequel la journaliste faisait état, à juste titre , de l'écart entre la rentabilité avancée par les professionnels de l'immobilier, et la rentabilité réelle. Dans les lignes qui suivent, nous allons plus loin en comptabilisant toutes les dépenses qu'agents immobiliers et promoteurs oublient de souligner. En particulier l' ISF, les droits de mutation, les frais de revente, les prélèvements  sur les plus-values.

L'immobilier est un marché particulièrement imparfait. Un bien dont la valeur intrinsèque serait de 100 se voit gréver de 5% de droits de mutation lorsqu'il est acquis, puis près de 5% de frais d'agence lorsqu'il est revendu. L'investisseur perd mécaniquement près de 10% entre l'achat et la revente.

Un cas d'école

Pour illustrer notre propos, nous allons nous baser sur un cas dont les ordres de grandeur correspondent aux données du marché immobilier des grandes métropoles comme Toulouse, Nantes ou Bordeaux à la fin de l'année 2015.

Nous avons arbitrairement choisi un horizon de cinq ans compte tenu du fait que l'investissement immobilier est un investissement à moyen terme. La rentabilité d'exploitation n'est pas le meilleur critère pour juger de l'opportunité d'un investissement. C'est la valeur actuelle nette (la VAN) qui reste, sans conteste, le meilleur critère de rentabilité.  L'estimation  de la VAN nécessite néanmoins des calculs d'actualisation plus complexes que les additions et soustractions qui suivent, et risquerait de décourager le lecteur qui n'est pas familier des calculs actuariels.

Le taux de revalorisation annuelle figurant ci-dessous n'est   qu'un taux prévisionnel, contrairement aux autres données qui sont factuelles. Nous allons voir, dans un premier temps, qu'avec ce taux de revalorisation, l'investissement a une rentabilité proche de zéro. Dans un deuxième temps, nous procédons à des simulations sur le lien entre  rentabilité et revalorisation.

Nous allons estimer le rendement d'un investissement locatif cinq ans après la réalisation de cet investissement. 


Les impôts et l' ISF

Le riche propriétaire devra acquitter une multitude d'impôts. Impôt sur le revenu et CSG basés sur loyers, taxes foncières, puis, à la sortie, impôt sur les plus values. Enfin, pour peu que son investissement s'apprécie (et c'est quand même le but recherché) , l' ISF

Penchons-nous sur  l' ISF, cet impôt que certains qualifient d'impôt imbécile, et  que peu de commentateurs citent.

 La plupart des investisseurs s'endettent et, initialement, leur investissement n'a pas d'impact immédiat  sur leur ISF; mais, progressivement ils amortissent  leur dette et leur base imposable augmente. Dans l'exemple qui suit,nous avons considéré un investisseur qui réalise un investissement de 200.000€ en empruntant 80% du montant, à 3% sur 10 ans. Au bout de cinq ans, il aura versé cinq annuités pour un montant total  18.757€ et il lui restera une dette 85.900€ . Sur une hypothèse de revalorisation de son bien de 2% par an, ses bilans entre la date d'achat et cinq années plus tard auront évolué et sa part de patrimoine sera passée de 40.000€ à  près de 135.000 €, après un abattement de 30% sur ce bien considéré comme illiquide.



Au taux d' ISF de 0.7% l'an, la note d' ISF cinq années plus tard  s'alourdira  d'environ 201€.  

Compte de Résultat année (n+5)


Les données utilisées pour établir le  compte de résultat sont extraites de valeurs du marché des années 2015-2016. Le loyer mensuel est très au-dessus des plafonds imposés par les lois Pinel, dont nous analyserons l'intérêt éventuel ci-après.




Nous avons incorporé dans ce compte de résultat deux données ordinairement passées sous silence : les droits de mutation et les frais d'agence à la revente. Les droits de mutation, sur la base de 5% (nous avons choisi 5% car c'est une moyenne entre les droits de mutation sur le neuf et sur l'ancien) sont amortis dans nos calculs sur cinq ans.
De même, la revalorisation doit être prise en compte, en valeur nette,  nette de l' impot sur les plus values, et nette des frais d'agence, que nous avons encore estimés à 4%, et provisionné/amortis sur les cinq premières années; cette revalorisation nette, nous l'avons étalée dans le temps et, pour la cinquième année, en avons pris un cinquième.

Il ne reste  plus qu'à dresser le compte de résultat, en introduisant un amortissement des droits de mutation et une revalorisation nette des frais commerciaux à la revente et de l'imposition sur les plus-values. 
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Le résultat net, celui qui importe est donc très en dessous de ce que certains professionnels  avancent. Il n'est, dans un cas qu'on pourrait considérer comme optimiste que de 0.6% de la valeur revalorisée de l'appratement. Ou encore près de 1% de la valeur des capitaux propres. Si ce compte de résultat est affreux, l'analyse des flux financiers ne l'est pas moins , du fait du remboursement de l'emprunt. 


Alors, la loi Pinel ?

Parmi les multiples conditions pour bénéficier des économies d'impôts de la loi Pinel figure le plafonnement des loyers. Les métropoles régionales, classées en zone B1, voient leur loyer limité à 10.06€. L'avantage est la réduction d'impot de 2% par an.  La rentabilité est certes améliorée mais reste bien loin d'être alléchante.




Quelques simulations

Le marché des loyers dans les grandes métropoles est sensiblement supérieur aux plafonds des lois Pinel. Aussi avons-nous mis ici trois niveaux de loyer: le plafond Pinel, le prix moyen du marché, un prix élevé. En conclusion, la rentabilité de la location est loin d'être intéressante. .


On peut donc en déduire que la seule rentabilité peut se faire au niveau de la plus-value potentielle. Puisque les deux leviers de la rentabilité sont les revenus locatifs et la revalorisation, nous avons fait des simulations mettant en jeu simultanément ces deux données. 


La conclusion de ces simulations reste évidente. Même si une revalorisation de 6% annuelle reste peu probable entre 2015 et 2020, cette revalorisation sera rabotée par l' ISF , les frais de revente et l'imposition sur les plus-values. 
La profession immobilière aura d'autant plus de mal à me convaincre que mes estimations de dépenses sont extrêmement conservatrices: peu de vacances, non prise en compte des dépenses de maintien (les moquettes s'amortissent sur 7 ans, les cuisines sur 5 ans...)

Cinq programmes où investir en Pinel 

Le magasine Challenge, en page 72, du numéro 464  affiche quelques programmes qui, au premier regard, paraissent alléchants. Regardons de plus près celui d' Angers : un appartement vendu sur la base de 3100€ le mètre carré aurait un rendement brut de 3.95%. 
Quel sera son rendement dans 5 ans, sachant que le plafond des loyers de la loi Pinel est de 10€ par mètre carré et par mois ?

En absence de frais de gestion et d'assurances loyers impayés


Le rendement net, sans prendre en compte les charges de gestion que l'article de challenges évalue à 10% des loyers n'est plus que de 0.87% !

Avec les frais de gestion et d'assurances loyers impayés

Le résultat est bien évidemment pire: 0.67% !

Le seul moyen de rentabiliser , très modestement son investissement passe par une plus value. Les simulations montrent qu'une revalorisation annuelle de 4%, tous les ans, permettrait d'atteindre un rendement net de 2.2% . Peux-t-on imaginer une telle revalorisation annuelle, dans le contexte stagflationniste de 2016?