2018/01/21

L' ISF est mort. Vive l' IFI ?

De l' ISF à l'IFI

Les vices de l' ISF, qui avaient sans doute échappé à J.Chirac comme à N.Sarkozy, n'ont pas échappé à E.Macron: l' ISF est mort. Mais pas complètement puisque l'une de ses assiettes est restée sur le billot. 
 L'imposition des actifs immobiliers demeure. 
On peut se demander pourquoi, si ce n'est pour faire plaisir à une partie de la population tellement soucieuse de réduction des inégalités qu'elle serait tentée d'utiliser  des méthodes vénézuéliennes : comment arriver de manière certaine et rapide à la ruine collective.  Dans ce riche pays, jouissant des plus importantes réserves mondiales d'hydrocarbures, les gouvernements Chavez et Maduro ont en effet réduit les inégalités : l'intégralité de la population est aujourd'hui uniformément dans le dénuement le plus complet. Dans notre doux pays, nous n'en sommes pas encore réduits à ce point, mais près de 10%  de la population peine à se loger. Ce n'est pas en diminuant la très faible rentabilité de l'immobilier locatif de 0.50% (au plus) des capitaux investis  que l'on contribuera à trouver une solution au problème du logement. 


L'évaluation  des immeubles soulève en effet de nombreuses questions et relève du fantasme collectif.

Commençons par l'évaluation.
Il existe de nombreuses méthodes d'évaluation des actifs. En matière immobilière, la communauté a retenu la pire d'entre elles, l'évaluation par comparaison. Les méthodes comparatives sont en effet à l'origine de toutes les bulles, qu'elles contribuent à renforcer chaque fois qu'elles sont utilisées puisqu'elles ajoutent une référence à un ensemble de références erronées, augmentant ainsi cette base d'une référence supplémentaire, ce qui contribue à renforcer son apparente  crédibilité et incite  au panurgisme des investisseurs. Les seules méthodes d'évaluation qui soient rationnelles sont celles basées sur des actualisations de flux financiers (pas de résultats, et encore moins de chiffres d'affaires), actualisées à des taux raisonnables et prenant en compte des primes de risque.

 Les hiérarques qui nous gouvernent   avaient sans doute aperçu perçu l'absurdité de l' ISF et la non-pertinence des méthodes d'évaluation utilisées; par leur déclarations de patrimoine ils avaient sans doute donné l'exemple; je laisse le lecteur juger si'l s'agit  du bon exemple ou du mauvais exemple.

A tout seigneur, tout honneur: nous  débuterons avec François Hollande. Sa SCI la Sapinière n' aurait pas figuré dans sa déclaration d' ISF alors que le capital était proche d'un million d'euros. Sa villa à Mougins, qu'il déclarait valoir 0.8M€ en vaudrait le double ou le triple  quand on la comparait aux transactions réalisées aux alentours. In fine, avec un capital affiché à 1.13M€, François Hollande reste sous la barre du seuil de l'impôt qu'il a infligé à quelques centaines de milliers de ménages.

Continuons par  Michel Sapin. Lui non plus ne peut être soupçonné de  sur-évaluer ses multiples propriétés. Si ses chiffres sont exacts, il possède les actifs  les moins valorisés de tout l'hexagone. L'une de ses propriétés  (433 hectares de terre, un chateau de 700 m² et  d' innombrables bâtiments) vaudrait moins de 600.000 euros...

Le président Macron, alors qu'il n'était que ministre,  avait lui aussi commis quelques erreurs qu'il s'était  empressé de corriger après les révélations du Canard Enchaîné.

L'évaluation est un art très difficile et les mieux éduqués (parmi lesquels ceux que je viens de citer) sont donc susceptibles d'évaluer avec les bonnes méthodes (actualisation de flux) et d'imposer par les textes les méthodes comparatives qui conduisent aux bulles.




Et maintenant, peut-on réellement parler de rente immobilière ? 

Les  dix premières années de ce siècle se sont révélées fastes en terme de plus-values latentes. Toutefois, entre 2010 et 2015, la bulle immobilière a un peu cessé d'enfler, avant de reprendre en 2017, sous le regard émerveillé (on se demande pourquoi) des journalistes. Ainsi, le magasine Challenges, en Novembre 2017, titrait triomphalement : le volume des achats explose ! Comme si cette explosion traduisait quelque chose de positif. Si le volume des achats explose, le volume des ventes qui lui est exactement égal explosait de même.

Le niveau des revenus est très loin de ce qu'on peut appeler une rente. Pire, quand on fait l'analyse complète de la rente, on peut constater qu'elle est proche de zéro, au moins pour les bailleurs qui ne sont pas des marchands de sommeil. Dans mon papier intitulé "L'immobilier locatif est-il rentable?", publié sur ce blog, je montre comment un bien acquis neuf en 2016 permet d'obtenir un rendement après ISF de l'ordre de 0.6% malgré des prévisions d'exploitation plutôt favorables ! 

Il est cependant un fait nouveau. Les assujetis à l' IFI peuvent maintenant arbitrer entre immobilier et autres types de placement, ce qui était impossible du temps de l' ISF. Les "riches" propriétaires peuvent maintenant soustraire de l'assiette de l' IFI pour investir sur d'autres supports et ainsi diminuer leur charge d' IFI. Jusqu'en 2017, la vente d'un actif immobilier se traduisait par du cash qui restait dans l'assiette ISF. 

Cette possibilité d'arbitrage diminue encore la rentabilité marginale des investissements immobiliers, au moins pour les assujettis à l' IFI. J'utilise le terme "encore" car cette rentabilité est extrêmement faible, quand on prend en compte toutes les dépenses du "riche propriétaire", à savoir charges non répercutables, taxes foncières, impôts sur le revenu, cotisations sociales et IFI.

En conclusion,  prenons garde à ce que l'assertion de Tocqueville : "il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté” ne se transpose pas chez nous au niveau économique.